« Anna? Hey Anna t’es là? » Je tapai d’un coup sec sur mon cellulaire, comme si ça allait changer quelque chose. La connexion n’était pas terrible dans l’appartement, ou c’était simplement mon forfait merdique qui faisait des siennes encore. Il était exactement sept heures trente, j’étais habillé, simplement, j’avais déjà mangé et je regardais la porte désespérément en attendant l’heure de partir. « Iule? T’es pas sérieux! Non, mais t’as vu l’heure? Fuck! » Je regardai ma montre, ah oui effectivement il était tôt, mais j’avais besoin de son aide. Passant par-dessus sa mauvaise humeur matinale je lui lançai, vraiment sur les nerfs. « J’te dois une bière, ça va. J’ai besoin de conseil, je sais, je sais, j’suis pathétique, rajoutes-en. Mais bon, j’ai un cours ce matin… avec elle. » Une long silence s’en suivit, comme si Anna était disparue, pas un souffle, pas un mot derrière l’appareil. « Anna? » Elle se ranima tout à coup. « Ouais, ouais j’suis là ducon. Tu parles de?... » Bien sûr que oui, il n’y avait qu’elle. « Oui. » Simple, court, précis. « Ok, écoutes moi bien trouillard, je ne le dirai qu’une fois. Tu lui dis, voilà. Tu la regardes dans les yeux et tu lui dis, c’est simple et efficace. » Ça sentais l’échec à plein nez. Tout ça était nouveau pour moi, un peu trop nouveau pour que je puisse être autonome. « Lui dire… » Je pensais à voix haute. « Je sais que tu peux le faire. Allez mon oreiller m’appelle. Merde! » Elle décrocha aussi vite, ne me laissant la remercier, ni lui demander plus ample conseil. Je regardai ma montre à nouveau, restais vingt minutes à tuer… tant pis je serai d’avance, et comme ça je serai sûr de ne pas la manquer.

Assis, le premier, dans cette classe vide, mon idée précédente me sembla de moins en moins ingénieuse. Le silence était lourd, pesant, chaque seconde m’insultait de jugement… j’étais vraiment ridicule. J’attendis, j’attendais, la classe s’empli peu à peu, mais le visage que je voulais désespérément voir n’apparaissait pas. Puis la classe débuta, le professeur nous ramenant au calme et au silence, moi mes yeux toujours rivés sur la porte dans un dernier espoir de la voir. Le professeur s’approcha de la porte, je m’imaginais ces gestes au ralentit, comme si ma vie en dépendant, puis, miracle, elle se glissa entre le cadre et marcha jusqu’au fond de la classe. Elle passa juste sous mes yeux, j’aurais pu la toucher si je l’avais voulu, son parfum tétanisant me creusa un sillon dans l’estomac, ma propre petite drogue personnel. J’en voulais plus, toujours plus. Je me levai, la suivant comme un petit chien, alors que le professeur débutait sa classe.

« Je peux? » Demandais-je en ayant déjà fermé les mains sur son sac qu’elle avait posée sur la table conjointe à la sienne.

« Tu… tu es ravissante aujourd’hui. Tu as changé quelque chose? » Je regrettai celle-là aussitôt dites. Je baissai la tête, incapable de la regarder en face. Cette femme, je ne l’avais qu’une seule fois dans toute ma vie. Et j’en étais amoureux. Éperdument. Follement. Inexplicablement. Amoureux.

« Tu te rappelles de moi? Iule? On est sensé travailler ensemble aujourd’hui. » Et tous les cours d’après… la vie rêvée quoi!

Son sac entre les mains, je savais que je venais de commettre ma première erreur. Vu la vitesse à laquelle elle me l’arracha des doigts. Note à moi-même : cette femme n’aime pas qu’on touche à ses affaires. « Oui si tu veux. » Mais j’étais déjà assis. Je m’excusai brièvement, d’un hochement de tête de mon effronterie. Mes yeux suivaient chacun de ses gestes avec appétit, je la trouvais absolument fascinante. C’est moi ou bien il faisait une chaleur monstre ici? En glissant ma main sous mon chandail pour m’aéré, laissant transparaître mon nombrils, je ne put retenir un compliment, une simple observation. Mes yeux voyaient au-delà des cernes, des yeux rougeâtres, je voyais la femme qu’elle était, gracieuse, parfumée et intelligente. Pas qu’on se soit déjà parlé ou quoi que se soit, mais un simple regard et j’étais complètement conquis. Elle avait toutes les qualités, c’était LA femme idéale. « Eu... Je ne vois pas vraiment en quoi tu me trouves ravissante et encore plus aujourd'hui. Cependant... merci c'est... gentil. Et non je n'ai rien changé. » Modeste. Une autre de ses qualités innombrables.

« Pas seulement aujourd’hui, mais à chaque fois que je te vois. » Deux fois en tout, et encore fallait-il que je compte l’instant présent? Sinon, alors ce n’était qu’une unique fois. Je m’étonnais moi-même à la complimenter ainsi, hors de mes habitudes… en fait c’était la première fois qu’une femme m’intéressait de la sorte, ç’en était devenu maladif. Je cru bon de me présenter, espérant secrètement qu’elle me coupe à mi-phrase pour m’avouer qu’elle savait déjà mon nom. Mais rien, elle semblait même étonnée. « Oui oui ! Je me rappelle de toi. Apparemment, toi tu n'as eus aucuns soucis à te souvenir de moi à ce que je vois ?! » Je ne savais pas encore comment réagir. Un énorme sourire s’étampa sur mes lèvres, elle se souvenait de moi, c’était ses mots hen, pas les miens.

« Comment pourrais-je t’oublier Djanna? » Je l’avais dit si bas que j’ignorais si elle pouvait l’entendre. Je tournai enfin la tête vers l’avant, question de suivre un peu le cours, même s’il m’était absolument impossible de me concentrer, la sachant si près. Le thème de l’essai me surprit, comme si le professeur m’envoyait un signe. Quel est, selon vous, la plus belle histoire d’amour jamais écrite? Quelle question fascinante, tant de réponses. On nous laissa vingt minutes pour discuter avec notre partenaire de l’angle à prendre pour le travail, dans ces quelques minutes il fallait avoir trouver notre sujet.

« Alors idée? » Je me levai, saisissant ma chaise des deux mains et allai m’asseoir direct devant elle… comme si ces quelques centimètres qui nous séparaient étaient une distance trop grande encore entre nous. « Roméo et Juliette. Tristan et Iseult. Ron Wesley et Hermione Granger. Le prince Charles avec sa princesse. Monica et Chandler de FRIENDS. Tu préfères? » Mes yeux étaient fixés, comme incapable de regarder ailleurs, sur ses lèvres. Si je pouvais l’embrasser qu’une fois, j’en serais comblé.

« J’oublie leurs noms, mais il y a aussi cette nouvelle histoire, tu sais celle où il y a un homme qui vivait une existence parfaitement banale avant que cette femme vienne complètement bouleverser sa vie. Mais cette fille tu vois, ne vois pas ce qui se trouve juste sous ses yeux. Mais l’homme sait que sous son apparence de femme forte et impénétrable se trouve un cœur près à aimer. Et l’homme lui, seul et détruit, incapable de trouver les mots pour exprimer son désir, se tait, misérable lui. Et il souffre de ce silence et ne rêve que du jour où elle le verra enfin… il rêve au jour où elle se laissera embrasser, comme toute femme devrait l’être un jour. » Mes yeux trahissaient encore mon vœux le plus cher. Alors que je lui racontais mon histoire, je ne trouvais pas la force de quitter ses lèvres.