Félicitations, c'est un beau garçon. L'infirmière eut un sourire, rien que pour répondre à la mine réjouie qui se dessinait sur le visage de l'homme qui lui faisait face. Quelle croyance ils avaient tous, à toujours croire qu'avoir un fils pouvait être plus glorieux qu'avoir une petite fille ? Passons. Ce n'était pas ses affaires et sitôt l'enfant déposé dans les bras de l'homme, elle eut le sentiment que plus rien n'existait pour lui, alors autant ne pas s'attarder. Garett avait fait le forcing pour pouvoir être là avant que sa femme n'accouche. C'était chose ratée, il était arrivé quelques heures plus tard, comme si ce petit incident mineur n'était qu'un avant goût de l'ampleur maléfique qu'allait prendre le boulot de l'homme sur sa vie de famille. C'est ainsi qu'il est né, ce petit bout d'être humain parmi les centaines qui naissaient chaque jour à travers le monde entier. New York, Etats Unis, huit millions et quelques habitants. Il faisait partie des trois premiers bébés nés ce mois-ci dans la grande ville mais qu'importe, il restait un infime être humain parmi tous ceux qui peuplaient cette terre, bien qu'il ait tout pour être exceptionnel aux yeux de ses parents. Légèrement maladroit, il tentait de ne pas laisser l'enfant tomber. Il n'avait même pas encore de nom, ce serait manquer à son devoir de père que de faire souffrir cet enfant avant même de lui avoir donné le moindre nom ! Tenez-lui la tête, attention à son bras... Aucun détail ne semblait être à négliger, c'était la chose la plus précieuse qu'il lui ait jamais été donné d'avoir dans les mains. Le regard brillant de cette lueur qui s'éteignait à chaque fois qu'il quittait le pays pour aller vers des terres inconnues et dévastées par les conflits, il remercia l'infirmière d'un simple hochement de tête, avant de se décider à aller voir celle qui était désormais l'heureuse mère du plus beau cadeau que la vie leur ait donné. Il semblait loin, le temps où ils étaient jeunes, follement amoureux et persuadés qu'ils pourraient sillonner le monde grâce à leur amour. Non. A présent, leur amour avait donné la vie à un être qu'ils allaient aimer et protéger. Le visage fatigué de sa femme attira son attention, l'espace de quelques millièmes de secondes, jusqu'à ce que le même air radieux colore son visage à la vue de l'enfant qu'ils avaient à présent tous les deux. Une scène niaise, et pourtant tellement quotidienne au regard de tous ces médecins qui s'étaient attelés à donner naissance au bébé Lockhart-Bell. Tu crois que plus tard il nous détestera si on lui donne ton prénom ? J'ai envie qu'il puisse rester un peu de toi à chaque fois que tu pars ... Encore un signe de la traditionnelle famille "soudée".Cet instinct de donner au fils le prénom du père ou du grand-père. C'est ainsi que l'enfant qui était né ce jour là obtint le prénom de Garett. Adam, pour l'information, est venu d'un petit dictionnaire des prénoms "originaux" du moment. Quelle vaine. Ceci aurait été le début de l'histoire d'une famille parfaitement heureuse si tout n'avait pas basculé un soir d'été. Mon père avait accepté un poste chez médecins sans frontières juste avant ma naissance. Inutile de stipuler qu'il passait sept mois chaque années autour du monde, a essayer de réparer ce que la connerie humaine engendre dans la société. J'avais quatre ans, et pourtant je me souviens exactement de ce que je faisais lorsque le téléphone sonna. Ma mère me lança un léger sourire, tout en collant le combiné à son oreille. Mme. Lockhart-Bell a l’appareil ? Une voix masculine assez grave se fit entendre a l’autre bout du fil. Oui, que puis-je faire pour vous ? Elle était loin de se douter de ce que cet homme allait lui annoncer comme nouvelles. C’est a propos de votre mari. La base médicale ou il opérait a été attaquée par une bande armée. J’ai bien peur qu’il n’y ait pas survécu. Toutes mes sincères condoléances madame. Elle lâcha subitement le combiné, qui tomba par terre en produisant un bruit sec. Je relevai mon regard de mon livre pour enfants afin de fixer les yeux larmoyants de ma mère. Je ne compris pas grand-chose a ce moment la, je ne fis que me laisser entourer par les bras de ma mère sanglotante.Se retrouver a la fois veuve et mère célibataire a trente ans n'étaient pas inclus dans les plans de ma mère. Le décès de mon père, créa un grand changement dans nos vies. Ma mère se renferma encore plus dans son travail de journaliste et celui de deux parents a mes cotés. Ça n'a pas toujours été facile, et je ne compte plus les jours ou je rentrais de l'école pour la voir pleurer toute seule quand elle s'attardait sur quelque chose rattaché a mon père. Elle finissait toujours par dire qu'elle le voyait vivre a travers moi, chaque jour. Cette réplique me donne encore le sourire, je n'ai peut être pas eu une vie familiale exemplaire, mais je savais que j'étais le fruit d'un vrai amour. Mon enfance se passa a Brooklyn, en plein New York. Dieu sait combien j'adore cette ville, cette sorte de melting pot de populations. Et c'est surement la-bas que j'ai cultivé ma passion pour les livres, a la bibliothèque de Bay Ridge. Je passais la plupart de mon temps libre a emprunter un tas de livres, je n'étais pas un intello loin de la. Mais la littérature était le seul argument qui me poussait a continuer mes études. Mais mes habitudes devaient changer, j'avais quinze a l'époque et c'est un soir d'été que ma mère m’annonça qu'elle voulait retourner a Londres, sa ville natale pour reprendre a zéro. Je comprenais un peu ce qu'elle ressentait, après tout ce qu'elle a enduré, elle voulait retrouver la personne qu'elle était avant, se retrouver. Et le retour aux sources était surement le moyen le plus efficace. Cela engendrait un grand déménagement, on allait complétement changer de continent, et cela voulait dire que je devais arracher les racines que j'avais établi ici. Je n'étais qu'au lycée, et je n'étais pas le genre de personne beaucoup trop attachée mais quitter New York constituait un grand sacrifice. Un sacrifice que j'étais prêt a faire pour elle.Londres était loin d’être New York. J'eus du mal a m'y habituer au début, la culture, le temps et l'accent m'avaient gêné. Ma mère avait laissé tombé le journalisme pour l'écriture, et on peut dire que cela la réussissait. On la voit souvent comme la prochaine J.K Rowling, et finalement ce déménagement nous apporta un gros lot de positif. Une fois diplômé, cela caractérisait également l'acquisition de ma liberté. J'avais en tête de retourner au States, et mes études constituaient le meilleur argument a ce moment la. Je n'étais pas retourné a New York, mais en Floride. Qui représentait aussi a sa façon la culture américaine qui m'avait manqué. Vous vous en douterez vu ma passion pour la littérature, c'est des études littéraires que j'ai choisi. Mes années d'université furent mémorables, du petit appartement dans le vieil immeuble et ma vieille voisine qui se plaignait toujours, aux fêtes du campus que j'ai assisté. J'ai été un gros fêtard a l'époque, mais j'avais cette habitude a connaitre mes limites et être conscient de mon indépendance acquise de mon vécu dans une famille mono-parentale. Après l'acquisition de mon diplôme, je savais déjà ce que je voulais faire. J'avais monté tout un projet en venant ici, c'était celui de monter une maison d'édition. C'était une folie, je le confirme. Ma mère avait failli faire une crise, sachant que je mettais tout l'héritage que mon père ma laissé dans un projet élaboré sur un coup de tête. J'avais vingt deux ans, et se faire prendre au sérieux m'a demandé beaucoup de travail. Mais cette maison fut fondé, portant mes initiales G.A.L.B éditions. Ma mère fut ma première cliente, enfin si on peut définir cela comme ça. J'avais repéré déjà plusieurs jeunes écrivains pendant mes cours a l'université particulièrement ce jeune Lex qui avait laissé son manuscrit par hasard sur la table a coté. ce fut la première personne que je contacta, son livre était très bien construit et je sentais le succès. Mon instinct ne me faussa pas, car une fois le livre édite puis publié. Ce fut un best seller, premier exploit dont je suis fier. Et a présent je n'hésite pas a donner une chance aux jeunes auteurs, car tout le monde en mérite.